Contrat de sécurisation professionnelle : la motivation de la rupture est impérative
Ces trois arrêts s’inscrivent dans un contentieux qui n’est pas nouveau et confirment une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, appliquée ici à des situations différentes.
Le rappel d’une règle bien établie …
Depuis qu’existe la possibilité de conclure entre l’employeur et le salarié une convention emportant rupture du contrat de travail, dans un contexte de licenciements économiques (contrat de transition professionnelle, convention de reclassement personnalisé et, aujourd’hui, contrat de sécurisation professionnelle, en abrégé CSP), la Cour de cassation exige de l’employeur qu’il justifie avoir informé le salarié de la cause économique de la rupture, au plus tard au jour de l’acceptation de la proposition de convention (Cass. soc. 30-11-2011 n° 10-21.678 FS-PB ; Cass. soc. 12-6-2012 n° 10-14.632 FS-PB).
Une information donnée après l’acceptation de la convention prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 29-9-2015 n° 14-16.218 FS-PB).
A noter : Cette position repose sur la prise en compte de la nature de ces conventions de rupture, qui constituent une modalité de rupture pour une cause économique et relèvent des mesures d’accompagnement des licenciements pour motif économique. Leur validité suppose donc l’existence d’un motif économique que le salarié doit être en mesure de connaître lorsqu’il décide d’y adhérer.
… appliquée à trois cas concrets
La rupture consécutive au refus d’une modification du contrat
Le premier arrêt applique la solution à un cas où l’employeur, qui n’avait pas remis au salarié de notice d’information au cours de la procédure de licenciement, tirait argument des lettres qu’il lui avait adressées pour lui proposer des modifications de son contrat de travail, qui avait été refusées.
Ces notifications ne pouvaient pas valoir information sur les raisons économiques justifiant la proposition de contrat de sécurisation professionnelle, puisqu’elles ne s’inscrivaient pas dans le cadre de la procédure de licenciement, peu important à cet égard qu’elles aient rappelé au salarié les conséquences éventuelles d’un refus (en ce sens, déjà : Cass. soc. 18-3-2014 n° 13-10.446 F-D).
A noter : Il ne s’agît là que d’une transposition à ce mode de rupture de l’exigence de motivation incombant à l’employeur, lorsqu’il notifie la rupture, sans que puissent s’y substituer les raisons exposées dans la proposition de modification d’un élément essentiel du contrat de travail faite en application de l’article L 1222-6 du Code du travail.
Le licenciement dans une entreprise en redressement judiciaire
Le second arrêt fait également application de cette exigence de motivation dans un cas où l’employeur était placé en redressement judiciaire et où le licenciement du salarié ayant accepté la proposition de CSP avait été autorisé au cours de la période d’observation par le juge commissaire, en vertu de l’article L 631-17 du Code de commerce.
On sait à cet égard que la lettre de licenciement est suffisamment motivée lorsqu’elle porte mention de la décision du juge commissaire (Cass. ass. plén. 24-1-2003 n° 01-40.194 P ; Cass. soc. 20-3-2007 n° 05-43.824 F-D). Or, en l’espèce, les informations données au salarié, au jour de son adhésion, ne renvoyaient pas à l’ordonnance du juge commissaire, ce qui caractérisait un défaut de motivation. En conséquence, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
A notre avis : La solution est, à notre connaissance, inédite, mais n’est pas surprenante : elle se site dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Le licenciement pendant une suspension du contrat pour maladie professionnelle
Le troisième arrêt concerne le même employeur en redressement judiciaire, mais le contrat de travail du salarié était ici suspendu, en raison d’une maladie professionnelle, lorsqu’il avait accepté le CSP, le jour-même où il lui avait été présenté.
Aux termes de l’article L 1226-9 du Code du travail, la rupture du contrat de travail en période de suspension pour accident du travail ou maladie professionnelle n’est possible qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat de travail. Dans ce dernier cas, la Cour de cassation exige, de manière constante, que l’employeur précise les motifs pour lesquels il se trouve dans l’impossibilité de maintenir le contrat (voir, par exemple, Cass. soc. 17-2-2010 n° 08-45.173 F-D). À défaut, le licenciement est nul.
L’employeur se prévalait ici de la motivation contenue dans la note communiquée au salarié avec la proposition de CSP, qui comportait des précisions sur les difficultés de l’entreprise. Mais cette motivation ne pouvait pas suffire puisque l’existence de difficultés économiques ne caractérise pas, en elle-même, une impossibilité de maintenir le contrat de travail, pour un motif non lié à la maladie au sens de l’article L 1226-9 du Code du travail, alors que cette cause de rupture autorisée par l’article L 1226-9 du Code du travail n’était pas mentionnée dans les documents remis au salarié (en ce sens déjà : Cass. soc. 14-12-2016 n° 15-25.981 FS-PB).
A noter : Rappelons également que, dans le cas du salarié d’une entreprise en redressement judiciaire dont le contrat est suspendu pour accident du travail ou maladie professionnelle, la seule référence à l’ordonnance du juge commissaire ne suffit pas à motiver la rupture (Cass. soc. 25-5-2011 n° 09-69.641 F-D).
Pour en savoir plus sur le contrat de sécurisation professionnelle : Voir Mémento Social nos 48390 s.
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Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-24.531 F-PB ; – Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-20.153 F-PB ; – Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-20.142 F-D
Source : https://www.efl.fr/actualites/social/cessation-du-contrat-de-travail/details.html?ref=f285156e0-12cc-4135-82ec-edccb84300ad