Cause d’une démolition d’une surélévation occasionnant une perte d’ensoleillement pour une résidence secondaire
Après avoir été déboutés de leur recours en annulation du permis de construire d’une extension et d’une surélévation par leurs voisins, les propriétaires d’une résidence secondaire sollicitent la démolition de ces constructions sur le fondement du trouble anormal du voisinage occasionné par une perte d’ensoleillement. La cour d’appel ordonne la démolition partielle de la surélévation.
Devant la Cour de cassation, les voisins font valoir le caractère disproportionné de la démolition par rapport au droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile, protégés par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme. À l’appui de cet argument, ils prétendent que la perte d’ensoleillement est à la fois limitée à une infime partie de la cour des demandeurs et seulement durant 3 à 4 mois dans l’année, quand les demandeurs ne sont présents que quelques semaines par an. Enfin, leur maison se situant au cœur du village, avec une cour encaissée et entourée d’autres immeubles, les demandeurs ne pouvaient ignorer, lors de leur acquisition, que les parcelles voisines étaient constructibles.
La Haute Juridiction rejette l’argumentaire. Elle relève d’abord que le caractère disproportionné de la démolition n’a pas été invoqué devant les juges du fond, qui n’avaient donc pas à se prononcer sur ce point. Elle approuve ensuite la cour d’appel pour avoir relevé les points suivants :
– la maison des demandeurs est située dans un environnement rural à faible densité de population et non dans une zone en voie d’urbanisation ;
– leur cour, qui bénéficiait d’un bon ensoleillement durant les mois d’été, est désormais totalement à l’ombre à compter de 16 heures en plein été ;
– la circonstance que la maison sert de résidence secondaire n’est pas de nature à exclure l’existence d’un trouble anormal du voisinage dès lors que celle-ci a précisément pour vocation d’être occupée en période estivale.
À noter :
1. L’action en réparation du trouble anormal du voisinage résultant d’une construction nouvelle édifiée conformément à un permis de construire n’implique aucune appréciation de la légalité de ce permis (Cass. 3e civ. 20-7-1994 n° 92-21.801 : Bull. civ. III n° 158). Il s’agit d’une action en responsabilité objective dont la mise en œuvre suppose que soient prouvés un trouble anormal, un préjudice et un lien de causalité entre le trouble et le préjudice subi.
2. Les juges du fond, dont le pouvoir d’appréciation est souverain en la matière, prennent essentiellement en compte l’importance de la perte de lumière et le lieu de situation de l’immeuble du demandeur pour caractériser l’anormalité du trouble lié à une perte d’ensoleillement et d’intimité. L’action est souvent rejetée lorsque le bien est situé dans un environnement urbain (notamment : Cass. 3e civ. 4-12-2001 n° 00-14.893 F-D, pour une zone pavillonnaire ; Cass. 3e civ. 15-12-2016 n° 15-25.492 F-D : BPIM 1/17 inf. 70). Il a même été jugé que l’agrément de profiter d’une vue dégagée ne constitue pas une servitude de vue ni, en milieu urbain, un droit acquis (Cass. 3e civ. 4-11-2014 n° 13-19.122 F-D : BPIM 6/14 inf. 458).
Julie LABASSE
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Urbanisme Construction n° 16915
Suivez les dernières actualités en matière immobilière et assurez la relance d’activité pour vos clients ou votre entreprise avec Navis Immobilier :
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Immobilier à distance.
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Immobilier pendant 10 jours.
Cass. 3e civ. 22-10-2020 n° 18-24.439 F-D
Source : https://www.efl.fr/actualites/immobilier/rapports-entre-fonds-voisins/details.html?ref=f8557d274-b4f1-4666-a8c2-0bdcd14df403