Les heures supplémentaires comptabilisées par pointage informatique sont autorisées par l’employeur
Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement d’heures supplémentaires. Il a une rémunération mensuelle de base horaire de 38 heures par semaine et une indemnité de fonction forfaitaire « heures supplémentaires incluses déterminées sur une moyenne hebdomadaire de 41 heures 50 ». La cour d’appel fait droit à sa demande.
L’employeur informé des heures de travail enregistrées par un logiciel est d’accord avec leur exécution
L’employeur fait grief aux juges du fond de l’avoir condamné, faisant valoir que la circonstance que le salarié n’avait pas, avant l’accomplissement d’heures supplémentaires, sollicité ou obtenu son autorisation expresse dans les formes et selon les modalités prévues par les procédures applicables le privait de la faculté de se prévaloir de son accord tacite à l’accomplissement desdites heures.
La chambre sociale de la Cour de cassation approuve les juges du fond. Pour elle, la cour d’appel a pu déduire, peu important l’absence d’autorisation préalable, l’accord au moins implicite de l’employeur à la réalisation d’heures supplémentaires après avoir constaté que le salarié produisait les relevés de pointage des heures supplémentaires effectuées au-delà de 41,5 heures par semaine, telles qu’enregistrées dans le logiciel informatique mis à disposition par l’employeur, ainsi informé des heures de travail effectuées.
En principe, la décision de recourir aux heures supplémentaires constitue une prérogative de l’employeur relevant de l’exercice de son pouvoir de direction. Toutefois, le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires s’il est établi que la réalisation de ces heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Cass. soc. 14-11-2018 no 17-16.959 FS-PB et no 17-20.659 FS-PB). Hormis ce cas particulier, seules les heures accomplies à la demande de l’employeur ou pour son compte ou, à tout le moins, avec son accord implicite ouvrent droit à rémunération (Cass. soc. 20-3-1980 no 78-40.979 ; Cass. soc. 30-3-1994 no 90-43.246 D ; Cass. soc. 2-11-2016 no 15-20.540 F-D).
Tel est le cas, notamment, du salarié ayant accompli régulièrement, pendant une longue période, des heures supplémentaires, au vu et au su de l’employeur qui ne s’y est pas opposé (Cass. soc. 19-6-1974 no 73-40.670 ; Cass. soc. 31-3-1998 no 96-41.878 P), ou encore lorsque le salarié établit lui-même des fiches de temps à la demande de l’employeur, les juges pouvant déduire que ce dernier a donné au moins implicitement son accord pour l’exécution des heures supplémentaires et le condamner en conséquence à les rémunérer (Cass. soc. 19-1-1999 no 96-45.628 P ; Cass. soc. 10-5-2000 no 98-40.736 D). La présente espèce se situe dans la ligne de ces derniers arrêts : l’employeur ne pouvait ignorer l’existence d’heures supplémentaires, l’entreprise étant dotée d’un système de pointage informatique qui les enregistrait. Par conséquent, il avait donné son accord tacite à la réalisation de ces heures de travail supplémentaires.
A notre avis : Cette solution n’est pas sans portée. Elle rend en effet difficile, voire impossible, pour les employeurs ayant mis en place dans leur entreprise un système de pointage informatisé de refuser le paiement d’heures supplémentaires, dès lors que le salarié peut les réclamer en justice en faisant état de ses relevés de pointage.
Toutefois, si la solution paraît sévère de prime abord, elle est à relativiser. Les logiciels de pointage prévoient en général un système d’alerte lorsqu’un salarié dépasse son temps normal de travail. Si tel est le cas, c’est à l’employeur d’agir rapidement s’il ne souhaite pas que son personnel effectue des heures supplémentaires au-delà de celles prévues au contrat.
Les heures effectuées au-delà du forfait prévu au contrat doivent être rémunérées
Par ailleurs, selon l’employeur, le salarié ne pouvait pas solliciter le paiement d’heures supplémentaires excédentaires sans un accord préalable de sa hiérarchie, celui-ci percevant une indemnité de fonction incluant le paiement des heures majorées pour un horaire moyen de 41,5 heures et dont l’attribution était exclusive du paiement d’heures supplémentaires.
L’argument est balayé par la Cour de cassation, pour laquelle la cour d’appel avait tiré toutes les conséquences de la nature juridique de la clause contractuelle prévoyant une rémunération forfaitaire pour un horaire moyen de 41,5 heures. Celle-ci n’emportait pas de dérogation au principe du décompte du travail dans un cadre hebdomadaire en l’absence de convention d’aménagement du temps de travail sur l’année, la référence à un horaire moyen n’ayant de sens qu’en présence d’un tel aménagement.
Aux termes de l’article L 3121-29 du Code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Il existe néanmoins des dérogations, parmi lesquelles l’application d’une convention individuelle de forfait en heures par semaine, destinée aux salariés dont l’horaire de travail comporte l’accomplissement régulier d’heures supplémentaires. Toutefois, l’existence de ce forfait ne dispense pas l’employeur de décompter la durée du travail effectuée par le salarié selon les règles de droit commun ou, le cas échéant, les modalités particulières prévues par la convention ou l’accord collectif, notamment pour vérifier si le forfait n’est pas dépassé. En cas d’heures accomplies au-delà du forfait convenu, celles-ci doivent être rémunérées au taux majoré, en sus du salaire forfaitaire (Cass. soc. 5-1-2000 no 97-44.606 D ; Cass. soc. 21-6-2005 no 03-44.977 F-D). En l’espèce, les heures effectuées au-delà de 41,5 heures par semaine devaient donc être rémunérées.
Pour en savoir plus sur les heures supplémentaires : voir Memento social nos 40900 s.
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Cass. soc. 8-7-2020 no 18-23.366 F-D
Source : https://www.efl.fr/actualites/social/duree-du-travail/details.html?ref=fc57a9dc4-aa4a-4d17-9f7b-5f40373b3ecc